• Salle des fêtes - 34, rue des Alpes - 26400 Crest
  • epe.crest@gmail.com

Pâque, Pâques, mais pas que…

Le 9 avril 2025 par dans Réflexion

Pensez-vous tout savoir sur la fête de Pâques ? Sa signification, ses traditions, son chocolat ? Embarquez avec moi pour un tour du monde, un voyage à travers le temps qui vous fera découvrir le véritable sens de cette fête. Nous parlerons chocolat, mais pas que…

1788, Nantes

Mes pas m’ont menée jusque devant le musée. Machinalement, j’ai descendu les quelques marches qui conduisent à l’exposition. Sur les murs, des citations d’anciens esclaves et d’abolitionnistes. L’Histoire refait surface.

Au milieu du 18e siècle, le chocolat, le sucre et le café sont des produits de luxe. Pour pouvoir en importer, la France pratique le commerce triangulaire, un nom technique qui cache l’horreur de l’esclavage. Partis du port de Nantes, les navires négriers rejoignaient la côte de l’Afrique de l’Ouest. Là, ils embarquaient des hommes et des femmes qui avaient été préalablement rassemblés sur les rivages. Ensuite, ils gagnaient les Amériques, où ils débarquaient les esclaves et se chargeaient de ces produits très prisés des Européens. De retour à Nantes, ils écoulaient leurs marchandises et repartaient en mer.

Entre le milieu du 15e siècle et la fin du 19e siècle, on estime que plus de 12 millions et demi de captifs furent déportés d’Afrique vers les Amériques et les îles de l’Atlantique. Plus d’un million et demi de personnes périrent pendant la traversée[1].

Quand on pense à la fête de Pâques, on pense évidemment au chocolat et plus particulièrement aux œufs en chocolat. Mais quel rapport avec la fête religieuse ? En 1788, la France est majoritairement catholique et le carême est de mise. Pendant 40 jours, interdit de manger des œufs. Autant dire que ces derniers s’accumulent dans les poulaillers… Alors quand Pâques arrive et que le jeûne est levé, on se les offre et, pour faire bien, on les décore. Grâce au trafic d’esclaves, le chocolat se démocratise, et l’idée vint de transformer les œufs en gourmandises sucrées.

La relation entre Pâque et le chocolat, entre le chocolat et l’esclavage est plus qu’un simple lien de circonstance. En effet, dans la perspective chrétienne, Pâques n’a pas premièrement à voir avec le chocolat. Pâques est d’abord et avant tout une histoire d’esclaves.

1450 av. J.-C., Ramsès

Faisons un bon en arrière dans le temps pour rejoindre les Israélites en Égypte. Eux aussi y sont esclaves. Ils ne cultivent pas de cacaoyers ; ils construisent d’imposants édifices. Ils sont opprimés et le pharaon ira même jusqu’à ordonner de tuer les garçons nouveau-nés.

Alors on imposa aux Israélites des chefs de corvée pour les accabler par des travaux forcés. C’est ainsi qu’ils durent bâtir pour le pharaon les villes de Pitom et de Ramsès. (Exode 1.11)

Dieu suscitera un libérateur, Moïse, pour sortir son peuple d’Égypte. La plupart d’entre nous connaissent cette histoire au travers de films et de comédies musicales qui mettent en scène les dix plaies d’Égypte. Peut-être aussi au travers de ce negro spiritual « Let my people go ». Nous comprenons bien qu’il faille secourir les opprimés, que l’esclavage est un système horrible… Les grenouilles, les moustiques, les ténèbres, c’est ok… Mais est-ce que cette dixième plaie était nécessaire ? La mort des fils aînés de l’Égypte, était-ce vraiment justifié ?

Nous voilà donc arrivés à la première Pâque (celle qui n’a pas de « s », puisque c’est la toute première, l’unique pour le moment). Le pharaon et son peuple ont subi neuf plaies. Et il n’est toujours pas question qu’Israël puisse partir. C’est alors que Dieu annonce cette dernière plaie. Il l’a fait précéder d’un rituel impressionnant : le peuple devait tuer un agneau, peindre les linteaux de leur porte avec son sang et le manger, prêt à partir.

Ensuite, vous prendrez un bouquet d’hysope, vous le tremperez dans le bassin contenant le sang de l’animal et vous en badigeonnerez le linteau et les deux montants de vos portes. Aucun de vous ne passera la porte de sa maison pour sortir jusqu’au matin. L’Éternel parcourra l’Égypte pour la frapper. Quand il verra le sang sur le linteau et sur les deux montants de vos portes, il passera par-dessus la porte et ne permettra pas au destructeur de pénétrer dans votre maison pour porter ses coups. (Exode 12.22-23)

Avez-vous remarqué que le mot « pâque » porte un accent circonflexe ? C’est la marque qu’il y avait, auparavant, un « s » après le « a ». « Pasque » ou « paska » en grec, proche de « Pessah » en hébreux, signifie « passage », « passer ». Et en effet, cette nuit-là, les Israélites vont passer de l’esclavage à la liberté et de la mort à la vie. En sortant d’Égypte, ils passeront au travers de la mer rouge : un chemin miraculeux qui témoigne de l’intervention de Dieu pour les sauver.

En anglais, la Pâque se dit « passover », littéralement « passer par-dessus ». Cette fête commémore aussi cet autre passage : celui de Dieu passant au-dessus des maisons qui portaient la marque du sang de l’agneau pour les épargner.

Nos traditions françaises reprennent souvent l’image de l’agneau pascal et nous trouvons cela mignon. Mais la réalité est tout autre. La fête de la Pâque commémore un fait tragique : pour que le peuple puisse être sauvé, il a fallu un sacrifice. Cette fête rappelle aussi que certains se sont calfeutrés dans des maisons aux portes rougies en attendant que la catastrophe passe, quand d’autres pensaient que l’annonce de Moïse n’était qu’un canular…

Mettre le sang d’un agneau sur un bout de bois ou perdre un fils… Est-ce que vous auriez hésité ?

Vers l’an 30, Jérusalem

Peut-être qu’en relisant le récit de cette première Pâque, vous vous dites que Dieu, s’il était vraiment bon, aurait pu trouver un autre moyen (moins dramatique) pour sauver son peuple. Après tout, il est Dieu !

Et c’est justement parce qu’il est Dieu que cela s’est fait ainsi. Il est parfait : il est parfaitement bon, parfaitement saint, parfaitement juste. En fait, ce que cette fête nous dit de manière criante, c’est que tous – Égyptien comme Israélites – auraient dû mourir, si ce n’était pour le sang de cet agneau déposé sur le linteau des portes. Le Dieu de l’Ancien Testament n’est pas différent de celui du Nouveau. L’apôtre Paul fait le même constat et il va même un cran plus loin ! Il ne dit pas simplement que nous méritions la mort, il dit que, sans Dieu, nous sommes morts.

 Autrefois, vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés. (Éphésiens 2.1)

Mais, là encore, Dieu est intervenu. L’Évangile, c’est un grand MAIS. Nous étions morts, mais… Nous étions esclaves, mais… Nous étions pécheurs, mais… nous étions malades, mais… nous étions aveugles, mais…

Mais Dieu est riche en bonté. Aussi, à cause du grand amour dont il nous a aimés, alors que nous étions morts à cause de nos fautes, il nous a fait revivre les uns et les autres avec Christ. – C’est par la grâce que vous êtes sauvés. (Éphésiens 2.4-5)

Mais Dieu est riche en bonté ! Et dans sa bonté, il a choisi de perdre son Fils pour nous donner un agneau qui verserait son sang sur un autre bois – la croix.

Mettre le sang d’un agneau sur un bout de bois ou perdre un fils… Est-ce que vous auriez hésité ? Dieu, le Père, n’a pas hésité : il a livré son Fils. Et Jésus, le Fils, n’a pas non plus hésité : il a donné sa vie.

La veille de sa mort, Jésus est à table avec ses disciples. Ils célèbrent la Pâque, la Pâque juive. Et comme le veut la tradition, celui qui mène la célébration raconte l’histoire de la sortie d’Égypte au travers des différents plats qui symbolisent aussi ce récit. Par exemple, en rompant le pain sans levain, il est de coutume que le chef de famille dise : « Voici le pain de misère que nos pères mangèrent en Égypte. Que celui qui a faim vienne et mange […] Cette année nous sommes esclaves ; l’an prochain puissions-nous être libres. » En buvant la dernière coupe, le chef de famille déclare : « Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, pour la vigne et le fruit de la vigne, pour le produit du champ et pour la précieuse, bonne et spacieuse terre que tu as bien voulu donner en héritage à nos pères. »

Jésus a l’audace de transformer cette célébration – la célébration la plus importante du peuple juif – et de déclarer qu’il en est le centre.

Au cours du repas, Jésus prit du pain puis, après avoir prononcé la prière de reconnaissance, il le partagea en morceaux, puis il les donna à ses disciples, en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Ensuite il prit une coupe et, après avoir remercié Dieu, il la leur donna en disant : Buvez-en tous ; ceci est mon sang, par lequel est scellée l’alliance. Il va être versé pour beaucoup d’hommes, afin que leurs péchés soient pardonnés. (Matthieu 26.26-28)

Le pain symbolise son corps ! La coupe, son sang ! « Nous avons un agneau pascal qui a été sacrifié pour nous, Christ lui-même », dira Paul. Croire au sacrifice de Jésus, c’est comme mettre du sang sur un linteau de porte : c’est ainsi que l’on passe de l’esclavage à la liberté et de la mort à la vie. Et ici, il est clairement question d’un esclavage spirituel.

Évidemment, il faut se savoir esclave pour aspirer à la liberté ; il faut se savoir mort pour aspirer à la vie.

2025, Crest

Peut-être vous dites-vous que la fête de Pâques, chez les chrétiens, ce n’est pas très gai : des esclaves, des sacrifices, des morts, du sang… Rien de très réjouissant. Détrompez-vous !

C’est le message que vous adresse un ancien esclavagiste, bien connu. Il est l’auteur d’Amazing grace, ce chant que vous êtes nombreux à connaître, à murmurer ici et là. John Newton a transporté des esclaves sur son navire avant de prendre conscience de ses propres chaînes. Devenu chrétien, il n’a eu de cesse de se battre pour l’abolition de l’esclavage.

Il me libère, brise mes chaînes. Mon Dieu mon sauveur paya le prix. Toujours nouvelle, sa bonté règne. Amour immense, grâce infinie. […] J’étais perdu, il m’a trouvé. J’étais aveugle, je vois.

Newton sait que la grâce de son sauveur est infinie et que sa bonté règne à jamais parce que ce sauveur est toujours vivant. Oui, Pâques proclame que Jésus est mort, mais elle proclame aussi qu’il est ressuscité.

C’est bientôt Pâques et c’est donc l’occasion de revisiter ces récits, celui de la sortie d’Égypte, du sacrifice de Jésus, de ces esclaves venus d’Afrique, qui nous rappellent qu’il existe un chemin, un passage vers la liberté.

 

Miryam L.

 

—-

[1] Musée de l’esclavage, Nantes.